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Les chasseurs veulent des réponses

Depuis le début de la saison, plusieurs chasseurs, tant à l’arc qu’à la carabine, se posent des questions sur ce qui se passe avec le grand gibier vedette de nos forêts québécoises

À la suite de ma chronique de la semaine dernière, plusieurs chasseurs ont communiqué avec moi pour m’expliquer les mésaventures qu’ils avaient vécues. 

« Cette année, durant la période de chasse à l’arc, les perdrix juvéniles étaient très petites. J’ai vu quelques lièvres très petits également. L’orignal ne circulait pas du tout, ne répondait pas aux appels et ne vocalisait pas, d’expliquer Donald Beaudry de Val-d’Espoir, en Gaspésie, qui chasse dans la zone 1. La situation actuelle contribue à l’abandon de plusieurs chasseurs qui trouvent que ça n’a plus d’allure, que c’est devenu une perte de temps et d’argent. Qu’est-ce qu’il faut pour faire bouger les choses et provoquer des modifications absolument nécessaires. »

Voilà un bel exemple de ce qu’ont vécu plusieurs chasseurs. Son opinion reflète plusieurs des messages que j’ai reçus. Notre chasseur est aussi conscient que la chasse, cette saison, s’est faite dans une période de chaleurs automnales intenses en raison des changements climatiques.

« Nous nous retrouvons en forêt, dans les montagnes gaspésiennes, alors que ce n’est pas vraiment le bon temps. Plusieurs chasseurs qui avaient connu du succès ont carrément perdu leur viande, gâtée par la chaleur. Selon la rumeur, il est question de plus de 16 bêtes perdues. Nous devons débourser beaucoup d’argent pour le permis, les équipements, les déplacements. Nous avons vraiment l’impression d’avoir été floués. »

LA NATURE DÉCIDE

Malheureusement, personne n’a le contrôle sur la nature, y compris les décideurs du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.

« Les changements climatiques sont vraiment un gros problème, explique Pierre Caron, moniteur à la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs et ancien enseignant en boucherie durant près de 40 ans. Anciennement, on disait aux chasseurs d’éviscérer leur animal, de le suspendre et de laisser l’air entrer pour refroidir la viande parce que les nuits étaient fraîches. Aujourd’hui, en septembre et même en octobre, les nuits où le mercure descend au-dessous de zéro sont plus rares et les journées sont chaudes. Il ne faut pas oublier que l’ennemi numéro un, c’est la chaleur. Il faut modifier ses habitudes pour s’adapter à ces nouvelles conditions sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. »

Il rappelle que les parades pour montrer son orignal et l’exposition trop longue à la chaleur font toute la différence entre une viande saine et comestible et une viande qui a chauffé et qui est automatiquement perdue.

« Je conseille aux gens d’enlever la peau le plus rapidement possible et de séparer l’animal en quartiers, afin que la viande puisse refroidir. À l’intérieur de 24 à 48 heures, si les chasseurs n’interviennent pas rapidement, la viande sera perdue au complet, parce qu’elle va chauffer. Fini les promenades en 2022, surtout durant les saisons de chasse à l’arc et à l’arbalète. On sort l’animal en quartiers, recouverts de coton à fromage pour éviter les saletés et les mouches. On se rend chez son boucher rapidement. »

Les chasseurs qui vivent leurs excursions dans les réserves fauniques et les pourvoiries peuvent compter sur des chambres froides qui ont été aménagées sur les territoires, justement pour contrer les effets des changements climatiques. Même là, ils doivent agir rapidement pour protéger leurs bêtes.

L’ENGIN DE CHASSE N’A AUCUNE INFLUENCE

Parmi les témoignages et questions que j’ai reçus, il y avait celle de Mélanie Bergeron, de Rivière-du-Loup, qui me demandait s’il y avait une différence dans le goût de la viande selon que l’animal avait été abattu à l’arme à feu ou à l’arbalète.

« Certaines personnes prétendent qu’il y a une différence dans le goût de la viande d’un animal abattu à l’arc ou à l’arbalète. C’est absolument faux d’expliquer l’expert. Tout est lié au temps [qu’il faut pour] que l’animal décède et le stress qu’il va subir. Si l’animal n’est pas atteint mortellement immédiatement, il va vivre un stress important. À ce moment-là, il y aura un impact sur la qualité de la viande. Il faut donc que le chasseur s’applique à toucher l’animal dans une zone vitale pour que tout se fasse rapidement, quel que soit le type d’engin de chasse utilisé. »

D’autres facteurs peuvent influencer directement la qualité de la viande que les gens vont consommer.

« L’âge de l’animal peut faire la différence ou encore lorsqu’un mâle est abattu durant la période du rut, alors que les glandes sexuelles sont très actives. La tendreté de la viande sera souvent déterminée par le temps où l’animal a été soumis à la chaleur après l’abattage. Cela va influencer directement le vieillissement de la viande, qui doit passer plusieurs jours pendue dans la chambre froide du boucher. Ce sont les vrais facteurs qui vont influencer le résultat dans l’assiette, si on peut le dire ainsi. »

PRÉCAUTIONS

Cette façon de faire demeure la même pour tous les gros gibiers. Présentement, la saison de chasse de l’orignal est terminée ou achève dans plusieurs zones. La chasse du chevreuil est commencée à l’arc et à l’arbalète ou va débuter pour les chasseurs à l’arme à feu. Il faudra prendre des précautions pour bien conserver son gibier, une fois qu’il serait abattu si on veut en profiter.

Un dernier conseil de Pierre Caron avant de terminer l’entrevue : « Les boucheries qui acceptent de travailler la viande de gibier se font de plus en plus rares. Il faut donc qu’avant de partir en forêt, les chasseurs réservent une place pour ne pas être pris au dépourvu. »

Auteur : Julien Cabana

Catégorie : Opinion

Publié le : 2022-10-13 09:57:24