Rechercher

Des recommandations pour prévenir une autre catastrophe

Un an après la rupture de la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac qui a forcé l'évacuation de 6000 personnes, une experte mandatée pour étudier cette inondation en a tiré d'inquiétants constats.

Une méconnaissance des risques posés par la digue, de nombreuses chambres d'enfants dans des sous-sols en zone inondable et des tentatives de suicide après le sinistre.

"Cet événement révèle un besoin majeur de préparation en termes de mesures d'urgence en cas de catastrophe", juge Isabelle Thomas, professeure titulaire à la Faculté de l'aménagement de l'Université de Montréal (UdeM).

Le but de ce travail mené avec ses collègues chercheurs à l'UdeM est d'aider les municipalités à se préparer à de futures inondations et, encore mieux, de les éviter.

Un événement de cette envergure "est une occasion d'apprendre pour s'adapter et faire de la prévention", dit-elle.

Le 27 avril 2019 a marqué le Québec: pour la première fois, une digue non reliée à un barrage a cédé et entraîné des dégâts majeurs.

Ce soir-là, dans un contexte de crues printanières exceptionnelles, la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac a cédé. Rapidement, la ville s'est remplie d'eau, inondant de 700 à 800 résidences. Plus de 6000 citoyens, le tiers de la population municipale, sont évacués en 1 h 15. Heureusement, personne n'a perdu la vie.

La professeure et chercheuse principale Isabelle Thomas, spécialiste des questions de développement durable et de vulnérabilité urbaine, s'est penchée toute l'année sur cette inondation marquante.

Son rapport, dont La Presse canadienne a obtenu copie, vient d'être remis au ministère de la Sécurité publique qui l'avait commandité.

Sainte-Marthe-sur-le-Lac a "frôlé la catastrophe" ce soir-là, rapportent plusieurs personnes interviewées pour la rédaction du rapport.

La ville a été sauvée en partie par le moment auquel la digue a cédé.

"Les gens étaient habillés, prêts à partir. Ça a favorisé l'intervention. Si le même événement était arrivé à 3 h du matin, on aurait eu des décès probables", résume Norbert Vendette, directeur du service de Sécurité incendie de Sainte-Marthe-sur-le-Lac et Deux-Montagnes, qui a parlé à la chercheuse.

Ses constats

L'experte effectue un premier constat: la digue crée "un faux sentiment de sécurité" chez les citoyens qui ne réalisent pas le danger et ne se préparent pas de manière adéquate à une possible rupture de l'ouvrage.

Quand la digue a cédé, beaucoup de citoyens ont été surpris: ils ne savaient pas qu'ils habitaient en zone inondable et se croyaient protégés parce que leurs maisons se trouvaient derrière l'ouvrage.

Un autre constat surprenant: ces digues non reliées à des barrages ne font l'objet d'aucune loi ni réglementation au Québec, "alors qu'ils génèrent en cas de défaillance d'importants risques et une menace réelle pour la sécurité des personnes", est-il écrit dans le rapport.

Car la force et la vélocité de l'eau après le bris d'une digue sont particulièrement frappantes, est-il noté.

Il est aussi souligné que dans la province, une cartographie des zones inondables existe, mais pas des systèmes de digue.

Toutes sortes de difficultés ont été rencontrées sur le terrain avec l'arrivée de l'eau, peut-on lire dans le document.

Par exemple, l'endroit qui devait servir de refuge pour les évacués, le centre communautaire de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, a été inondé. Les évacués ont dû être emmenés à l'aréna de Deux-Montagnes. "Deux déplacements en peu de temps, cela crée beaucoup de stress pour les citoyens", fait valoir Mme Thomas.

Quand les autobus sont arrivés pour chercher les résidants d'une maison de retraite, l'eau arrivait au même moment dans le stationnement. Quand l'opération fut terminée, le niveau de l'eau était à la mi-cuisse.

À travers les difficultés, la chercheuse a relevé dans son rapport le niveau d'initiative et de bravoure des policiers et d'autres intervenants de première ligne le 27 avril 2019.

Des recommandations

Le rapport énumère de nombreuses recommandations pour aider les municipalités et le gouvernement provincial.

Parmi celles-ci: un centre de coordination doit être prêt à être déployé pour la prochaine inondation, et une ligne de communication doit être réservée aux secours d'urgence.

L'état des routes doit être connu. Par exemple, dans la municipalité voisine de Pointe-Calumet, il n'y a qu'une seule route pour évacuer tout le monde, ce qui pourrait considérablement ralentir la fuite vers des terres sécuritaires.

Et puis, les municipalités doivent savoir qui est présent sur leur territoire, notamment les résidences pour personnes âgées et les écoles: en cas d'inondations, il faudra les évacuer rapidement.

Il faudrait une sorte de carte "des vulnérabilités" et une liste des adresses des personnes plus à risque.

Mme Thomas juge aussi crucial que les citoyens soient informés des risques. Et bien préparés: il est notamment suggéré de garder les médicaments à portée de la main et d'avoir un plan pour les animaux de compagnie.

Il est recommandé que les maisons soient aménagées en conséquence. Il peut être dangereux d'avoir des chambres d'enfants dans un demi-sous-sol: ils risquent de se noyer si la digue cède et que l'eau envahit rapidement la ville.

La création d'un bureau d'aide aux sinistrés est suggérée, tout comme un guide pour les aider à surmonter les embûches.

Mme Thomas souligne ainsi l'importance d'avoir du soutien psychologique pour les citoyens après une telle catastrophe.

Le CSSS des Laurentides a joué un rôle-clé après l'inondation, souligne d'ailleurs dans le rapport Jacques Drewitz, coordonnateur auprès de la Croix-Rouge. "Ils ont quadrillé toute la zone de Sainte-Marthe et sont allés rencontrer les gens maison par maison."

La chercheuse juge qu'il faut aussi un nouveau cadre réglementaire pour les territoires situés derrière les digues. Celui de Sainte-Marthe-sur-le-Lac avait été retiré de la zone inondable justement après la construction de cette digue.

Une récente ordonnance gouvernementale de 2019 a toutefois maintenu son territoire en zone "non inondable". "Il faut se questionner sur ce genre de décision", dit-elle.

Quant aux digues, il est suggéré qu'elles soient cartographiées, entretenues et surveillées sur une base régulière.

Auteur : La Presse Canadienne

Catégorie : Nouvelles

Publié le : 2020-05-02 12:49:34