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La magie de la migration à Anticosti

Lorsque l’hiver s’installe de façon importante sur l’île d’Anticosti, des milliers de chevreuils entreprennent une migration vers le sud.

Si vous êtes présent à ce moment-là, vous pouvez assister à ce spectacle unique. C’est ce que j’ai vécu avec mon groupe dans le secteur de Martin-la-Mer, au début de décembre.

Après trois tempêtes consécutives qui ont laissé plus de trois pieds de neige, la migration a débuté. La raison de ce mouvement est bien simple. Au sud, la nourriture est plus abondante et plus facile à atteindre parce qu’il tombe moins de neige dans ce secteur. De plus, les chevreuils ont accès à une ressource qu’ils adorent en bord de mer, le varech. Cette plante marine est rejetée sur les plages avec les mouvements de la mer.

Lors de l’approche de l’appareil vers l’aéroport de Port-Menier, nous avons vite compris que nous plongions dans l’hiver. Une fois au sol, la quantité de neige et les différentes conversations confirmaient que l’hiver était bien installé. La migration était bien là, mais les conditions de déplacement et de chasse seraient difficiles. 

Il nous a fallu plus de six heures pour nous rendre au chalet de Martin-la-Mer, un parcours de 178 km. Par moments, notre guide Antoine Gunning n’avait plus le contrôle sur le camion qui zigzaguait entre les roulières de neige.

Tout le long du parcours, notre guide, un homme d’origine française né à Carcassonne d’une mère française et d’un père irlandais, nous explique son amour pour Anticosti et surtout que la chasse sera excellente. Le groupe précédent avait récolté six mâles adultes en une avant-midi de chasse.

ET LE BAL COMMENCE

Enfin, nous arrivons au chalet de Martin-la-Mer. Le lendemain, comme le veut la coutume, nous nous rendons au champ de tir pour vérifier si nos armes ont été dérangées par le transport en avion.

À l’approche du site, une première femelle devant nous. Gilles la récolte. Une fois les vérifications faites, Werner part à pied sur le grand chemin, un style de chasse qu’il aime bien. Nous roulons en camionnette sur le grand chemin, en espérant débusquer des chevreuils. Au sommet d’une pente abrupte, il y a une femelle à l’orée de la forêt. Je la récolte. Plusieurs bêtes se pointent le bout du nez, mais le temps de réaction ne joue pas en notre faveur. La chasse finit très tôt en décembre. 

Nous retrouvions Werner avec le mâle qu’il a récolté. En à peine trois heures de chasse, trois chevreuils ont été récoltés et plusieurs ont été observés.

À notre deuxième journée, nous avons pris le chemin au bord de mer. Je laisse partir mes trois compagnons en quad avec le guide. À peine ai-je le temps de m’allonger que j’entends une voix qui me dit : « Prépare-toi parce que le guide s’en vient te chercher. Nous avons trois bêtes. »

Les préparatifs faits, je pars pour aller tenter ma chance. Il ne me faudra que 15 min pour récolter mon deuxième chevreuil. Nous poursuivons notre route pour retrouver Michel, qui a terminé sa chasse lui aussi avec un beau mâle.

Nous avons chassé une journée et demie pour récolter les huit bêtes auxquelles nous avions droit. Durant nos déplacements sur le territoire de chasse, nous avons pu observer plus de 150 chevreuils en un très court laps de temps. C’est ça, la migration.

Pouvoir admirer un mâle de cette taille qui pose fièrement devant nous est toujours un spectacle dont on ne se lasse pas.

UNE AVENTURE SURRÉELLE

Depuis que je chasse à Anticosti, j’ai eu la chance de vivre le phénomène de la migration à quelques reprises. 

Chaque fois, je me crois dans un monde surréel, avec tous ces chevreuils qui sortent de nulle part et qui se retrouvent là, devant nous. Uniquement lorsque nous nous sommes déplacés sur le bord de la mer, des dizaines de chevreuils étaient là en train de manger sans trop se soucier de notre présence. À certains moments, ils circulaient autour du chalet. 

Plusieurs de ces chevreuils arrivaient du centre de l’île. Ils n’avaient jamais vu des humains, ou rarement. Malgré la griserie d’une telle aventure, il faut garder les pieds sur terre et, surtout, ne jamais être téméraires. Après tout, nous sommes sur une île, avec de longues distances à parcourir. La nature peut faire changer très rapidement les conditions.

Le groupe d’Américains qui partageaient le site avec nous l’a appris à ses dépens. Deux des chasseurs ont décidé de traverser la rivière, bien que le courant soit puissant. Durant leur absence, le niveau de la rivière a monté rapidement en raison des pluies diluviennes qui nous sont tombées dessus, en plus des vents très violents. 

Une équipe de sauveteurs, avec à leur tête le directeur de Sépaq Anticosti, Serge Larivière, a mis neuf heures pour se rendre. Ils avaient avec eux un bateau, qui a permis de faire traverser les deux hommes et leurs gibiers. Les deux chasseurs téméraires ont passé la nuit sur le bord de la rivière, à attendre les secours.

Alors même si l’on vit une expérience extraordinaire avec la migration, il faut toujours se rappeler qu’à Anticosti, l’île et la nature ont toujours le dernier mot. Il ne faut pas les provoquer.

 

Photo du bas:

Le chalet de Martin-la-Mer est situé au sud de l’île, en bordure de la mer, sur un site magnifique. (Photo Julien Cabana)

Auteur : Julien Cabana

Catégorie : Chasse

Publié le : 2022-12-17 15:16:59